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Droit de préemption de la SAFER : la motivation de sa décision doit-elle comporter une identification du potentiel bénéficiaire de la préemption ?

Droit de préemption de la SAFER : la motivation de sa décision doit-elle comporter une identification du potentiel bénéficiaire de la préemption ?

La Cour de cassation vient, avec deux nouveaux arrêts, étoffer sa jurisprudence en matière de motivation des décisions de préemption des SAFER. Pour rappel, à peine de nullité, les SAFER doivent justifier leur décision de préemption par référence explicite et motivée à l’un ou plusieurs des objectifs que la loi lui confère.

La motivation de la décision de préemption de la SAFER ne doit pas se limiter à une simple référence à l’un des objectifs énumérés par la loi, mais doit exprimer précisément pourquoi l’acquisition du bien doit lui permettre d’atteindre le but poursuivi.

La Cour de cassation, dans deux décisions rendues le 7 septembre 2023, avaient déjà eu l’occasion de rappeler cette exigence de motivation, dans le cadre d’une décision de rétrocession (voir Actu précédente).

Dans la première espèce (Cass., 3e civ., 25 janvier 2024, n° 22-10.305), la Cour a validé la décision de préemption de la SAFER, en relevant qu’elle « décrivait de façon détaillée l’ensemble du parcellaire, indiquait que l’agriculture de la commune de Zevaco était tournée vers l’élevage porcin et bovin et précisait que plusieurs projets pourraient se révéler au moment de l’appel à candidature fait par la SAFER, dont celui de l’éleveur porcin situé en limite des parcelles préemptées ».

Elle a alors considéré que la décision comportait une analyse concrète des données locales et des besoins du secteur agricole de la commune.

En revanche, dans la seconde espèce (Cass., 3e civ., 11 janvier 2024, n° 22-12.166 et 22-12.807), la Cour de cassation, après avoir rappelé que la motivation ne doit pas se limiter à une simple référence à l’un des neufs objectifs énumérés par la loi, a constaté que la décision de la SAFER n’exposait pas l’intérêt de la préemption des parcelles litigieuses au regard des besoins fonciers des exploitations concernées.

En outre, la cour relève que, même « si la SAFER n’était pas tenue d’identifier nommément les exploitations agricoles intéressées par la réorganisation parcellaire envisagée, elle n’avait mentionné dans ses décisions aucune indication sur la situation de l’exploitation de l’agriculteur susceptible de bénéficier de la préemption projetée et sur sa situation par rapport aux biens préemptés qui se situaient dans des zones potentiellement constructibles ».

Elle relève par ailleurs, du fait d’une urbanisation croissante, la présence d’un risque de spéculation foncière, tandis que « la motivation de la décision de préemption de la SAFER n’apportait aucune analyse, ni description précise de ses enjeux concurrents qui permettrait de comprendre le sens de son intervention et d’établir la réalité de l’objectif poursuivi ».

Si l’on s’en tient à ces deux nouvelles décisions, la motivation de sa décision par la SAFER devrait comporter une identification, tout du moins sommaire, d’un potentiel bénéficiaire de la préemption sans pour autant trop en dire….

Cass., 3e civ., 25 janvier 2024, n° 22-10.305
Cass., 3e civ., 11 janvier 2024, n° 22-12.166 et 22-12.807