Un preneur proche de l’âge de la retraite, peut-il conclure un bail rural à long terme ?
La Haute juridiction judiciaire a dû se prononcer sur la question « de savoir si un bail à long terme peut être conclu par un preneur qui est à moins de neuf ans de l’âge de la retraite ».
Les faits sont les suivants : un bail rural à long terme est conclu au profit de Monsieur D le 7 avril 2015. Puis le 2 novembre suivant, Monsieur D fait valoir ses droits à la retraite et libère les lieux. Le 22 mars 2018, ce dernier saisit le Tribunal paritaire en nullité du bail conclu le 7 avril 2015 et en remboursement d’une somme recouvrée par le bailleur en vertu de ce bail.
La Cour d’appel donne raison au preneur, par conséquent, le bailleur se pourvoit en cassation.
Pour rendre sa décision, la Cour de cassation se base sur :
– l’article L. 416-1 du CRPM qui précise que le bail à long terme est conclu pour une durée d’au moins 18 ans et « que chaque partie peut par avis donné au moins dix-huit mois à l’avance, refuser le renouvellement de bail ou mettre fin à celui-ci à l’expiration de chaque période annuelle à partir de laquelle le preneur aura atteint ledit âge, sans être tenu de remplir les conditions énoncées à la section VIII du chapitre Ier du titre Ier de ce code »;
– Et l’article L. 416-4 du CRPM, qui indique qu’un « preneur qui est à plus de neuf ans et à moins de dix-huit ans de l’âge de la retraite peut conclure un bail à long terme régi par les dispositions du présent chapitre et d’une durée égale à celle qui doit lui permettre d’atteindre l’âge de la retraite ».
Pour rendre sa décision, la Cour considère qu’il est possible d’avoir deux interprétations de l’article L. 416-4 CRPM :
– Une a contrario par laquelle, il faut considérer qu’en spécifiant que le preneur qui est à plus de 9 ans de l’âge de la retraite peut conclure un bail à long terme, l’article L. 416-4 CRPM exclut la possibilité de consentir un tel bail à un preneur qui atteindra plus tôt cet âge ;
– La seconde retenue par la Cour de cassation, où elle considère que l’article L. 416-4 du CRPM se borne à déroger à la durée minimale de 18 ans fixée par l’article L. 416-1 CPRM. Il s’ensuit que si un preneur qui est à moins de neuf ans de l’âge de la retraite peut conclure un bail à long terme, la durée du bail ne peut, dans ce cas, être inférieure à dix-huit ans, sans possibilité au surplus d’y mettre fin avant le terme en usant de la faculté de résiliation annuelle prévue, lorsque le preneur a atteint l’âge de la retraite, par l’article L. 416-1 CRPM.
La Cour de cassation retient cette seconde interprétation. Elle considère qu’à défaut, cela reviendrait à interdire la conclusion de bail à long terme lorsque le preneur est proche de l’âge de la retraite. On priverait les parties d’une stabilité de l’exploitation et des avantages permis par le bail à long terme offert au bailleur. Elle rappel ensuite, que le preneur peut tout à fait céder son bail dans les conditions de l’article L. 411-35 CPRM. De plus, il est possible, dans le cas où l’on sait à la conclusion du bail que le preneur va bientôt prendre sa retraite, d’indiquer d’ores et déjà dans le bail que le bailleur consent à la cession dudit au profit du descendant / conjoint / partenaire nommé dans le bail.
Ainsi, la Cour d’appel n’avait pas à annuler le bail à long terme. La Cour de cassation a donc cassé l’arrêt d’appel.