Le trouble anormal de voisinage et ses exceptions
Le législateur introduit dans le Code civil le principe général du trouble anormal de voisinage tiré de la jurisprudence de la Cour de cassation : « Le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte » (C.civ., article 1253).
Pour autant, afin d’éviter les actions rocambolesques de certains, le législateur a accompagné ce principe de deux exceptions : une visant l’ensemble des activités professionnelles et une plus particulière réservée aux activités agricoles (codifiée à l’article L 311-1-1 nouveau CRPM). En effet, comme l’a admis la garde des Sceaux lors des débats devant l’Assemblée nationale, « il est ubuesque que certains dérangés par le bruit des tracteurs et des moissonneuses, s’attaquent à ceux qui nous nourrissent alors qu’ils avaient connaissance de l’environnement dans lequel ils s’installaient ».
1. Exception en cas de pré-occupation pour toutes les activités :
L’effet exonératoire de la « pré-occupation » déjà reconnue en jurisprudence, est repris par le législateur. Ainsi, l’auteur du trouble ne verra pas sa responsabilité engagée dès lors que l’activité à l’origine du trouble :
– existait antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée ;
– s’est poursuivie dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine de l’aggravation du trouble anormal ;
– et est conforme aux lois et aux règlements.
En somme, une personne s’installant en connaissance de cause, elle ne pourra se plaindre d’une nuisance déjà existante lors de son installation.
2. Exception en cas de pré-occupation propre aux activités agricoles
Les exploitants agricoles bénéficient aussi de l’exception de pré-occupation décrite ci-dessus, avec des justifications supplémentaires :
– l’activité s’est poursuivie dans des conditions qui résultent de la mise en conformité de l’exercice de ces activités aux lois et aux règlements ;
– ou bien l’activité s’est poursuivie sans modification substantielle de sa nature ou de son intensité.
Ce critère de modification substantielle paraissant relativement imprécis, il reviendra au juge d’en fixer les contours, cette imprécision lui laissant une certaine marge d’appréciation.
LOI n° 2024-346 du 15 avril 2024
Image par Freddy de Pixabay