 
						Le droit de retrait de l’associé : une prérogative attachée à sa qualité d’associé, même sous le régime de la communauté légale
En 2010, un couple constitue une société civile avec leurs enfants. Monsieur et Madame sont nommés co-gérants. Sept ans plus tard, Monsieur démissionne de ses fonctions de gérant. Quelques mois plus tard, Monsieur notifie à la gérante et à la société une demande de retrait moyennant le remboursement de ses droits sociaux. Demande que l’assemblée des associés lui refuse.
En 2021, il assigne alors la société et ses associés devant le tribunal judiciaire (TJ) afin qu’il autorise son retrait en application de l’article 1869 du Code civil. En effet, Monsieur invoque une perte d’affectio societatis due à une mésentente profonde et durable avec Madame (en instance de divorce), marquée par des conflits personnels et professionnels, la rupture de ses fonctions de co-gérant et un isolement familial. Il conteste aussi le manque d’information sur les investissements importants réalisés sans son accord par la société.
L’année suivante, le TJ fait droit à sa demande et ordonne le retrait de Monsieur pour justes motifs.
La société et les associés relèvent appel de la décision contestant l’existence de justes motifs. Selon eux, le conflit entre les époux ne se confond pas avec la mésentente entre associés.
Ils soutiennent, par ailleurs, sur le fondement de l’article 1424 du Code civil que Monsieur n’avait pas qualité à agir seul en autorisation de retrait de la société sans le consentement de son épouse commune en biens, le retrait conduisant à l’aliénation des parts sociales qui constituent des biens communs.
Rappelons en effet que selon cet article, les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, céder des parts sociales.
La Cour confirme le jugement du TJ, les faits permettant de démontrer qu’il n’existe plus entre eux de volonté de collaborer dans un intérêt qui leur soit commun à l’exploitation d’une société dont la vocation était de recevoir, conserver et assurer la transmission d’un patrimoine familial et au sein de laquelle doit régner un fort intuitu personae.
En conséquence, il existe de justes motifs au retrait de Monsieur. Elle précise que l’intention du législateur dans la rédaction de l’article 1869 du Code civil est justement « d’éviter que l’associé ne demeure prisonnier de son engagement contractuel et social ». Qui plus est, au cas présent, aucun manque de disponibilité ne pouvait être invoqué pour refuser sa demande de retrait.
