Démembrement et distributions de dividendes : une précision bienvenue de la Cour de cassation
Cass. Civ. 3e, 19 septembre 2024, n° 22-18.687
La question de la répartition des droits financiers entre usufruitier et nu-propriétaire de titres sociaux revient à nouveau sur le métier. La Cour s’est ainsi prononcée sur la question de la répartition entre usufruitier et nu-propriétaire de la distribution d’un résultat exceptionnel provenant de la cession de la totalité des actifs immobiliers d’une SCI.
Dans les faits, à la suite de la cession de la totalité de l’actif immobilier d’une SCI, le résultat exceptionnel constitué par le produit de cette cession a été affecté en distribution par l’AG des associés. Certaines parts étant démembrées, l’usufruitier a seul pris part au vote et s’est vu verser l’intégralité du dividende afférent aux titres démembrés.
Pour rappel, les droits financiers attachés à des titres démembrés se répartissent différemment entre l’usufruitier et le nu-propriétaire selon la nature des fonds :
- Concernant les bénéfices : sans dérogation statuaire possible, les bénéfices sont octroyés à l’usufruitier (article 582 du code civil).
- Concernant les réserves : la jurisprudence s’est prononcée de façon incertaine sur la question de la distribution des réserves (et/ou du boni de liquidation) par la société :
– La chambre commerciale reconnait un droit de propriété au nu-propriétaire sur les réserves, mais attribue un droit de jouissance sous la forme d’un quasi-usufruit à l’usufruitier (Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-16.246) ;
– La première chambre civile de la Cour de cassation ne reconnaît aucun droit à l’usufruitier sur les réserves distribuées, en ce qu’elles constituent un accroissement de l’actif social et dispose que les réserves reviennent au nu-propriétaire (Cass. 1re civ., 22 juin 2016, n° 15-19.471) ;La Cour a donc pris position quant au traitement de la distribution d’un résultat exceptionnel ayant affecté la substance même des parts sociales, et décidé qu’en l’absence de convention particulière entre le nu-propriétaire et l’usufruitier de parts sociales, le dividende prélevé sur le produit de la vente de la totalité des actifs immobiliers d’une société civile immobilière revient au nu-propriétaire, mais que l’usufruitier dispose sur les sommes d’un droit de jouissance, qui s’exerce sous la forme d’un quasi-usufruit.
Dès lors, la décision à laquelle prend part l’usufruitier, de distribuer de tels dividendes, sur lesquels il jouit d’un quasi-usufruit, ne peut être constitutive d’un abus d’usufruit.
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