
Biens communs : un époux peut-il signer seul un bail rural ?
En principe, les époux ne peuvent l’un sans l’autre consentir un bail rural sur des parcelles dépendant de la communauté (art. 1425 du Code civil). En cas de non-respect de ce principe, l’époux qui n’a pas consenti à la conclusion du bail rural peut en demander l’annulation (C. civil, art. 1427).
Lorsque dans un couple, l’un des conjoints se trouve hors d’état de manifester sa volonté ou en cas de conflit, le juge peut autoriser l’un des époux à agir en son nom pour passer des actes qui, en temps normal, nécessiteraient le consentement des deux.
En l’absence de pouvoir légal, de mandat ou d’habilitation en justice, la représentation de l’époux qui n’a pas exprimé sa volonté peut être fondée sur la « gestion d’affaires » (C. civil, art. 219, al.2).
En l’espèce, un époux a consenti un bail rural verbal seul, sans l’intervention de l’autre époux. Le preneur en place a agi en reconnaissance du bail. À titre reconventionnel, l’époux qui n’était pas intervenu à l’acte a agi en nullité du bail rural.
Pour justifier son intervention, l’époux signataire du bail considérait qu’il avait agi dans le cadre de la « gestion d’affaires ».
La Cour apporte ici une première précision intéressante et de portée générale : l’intervention du conjoint, seul, fondé sur la gestion d’affaires n’est pas subordonné à la condition que l’autre époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté.
Le second apport de la décision concerne la possibilité d’invoquer la gestion d’affaires pour sauver un bail rural qui n’aurait été consenti que par l’un des époux.
La Cour de cassation rappelle que la gestion d’affaires suppose que celui qui gère les affaires d’autrui le fait sciemment et utilement (C. civil, art. 1301). Il convient donc de démontrer l’utilité des actes passés dans le cadre de la gestion d’affaires.
En l’espèce, la Haute Cour casse et annule la décision de la Cour d’appel en ce qu’elle n’a pas recherché si la conclusion d’un bail rural avait eu un caractère « utile ».
Selon nous, la conclusion d’un bail rural par un époux seul pourrait être considéré comme utile en ce que les parcelles sont mises en valeur et un fermage est perçu par les époux, ce qui accroît les revenus de la communauté.