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Bail rural et prestations de services : une ouverture ?

Bail rural et prestations de services : une ouverture ?

Un bail rural, sur 125ha, est conclu au profit de Madame E, qui met ledit bail à disposition d’une EARL en 2001. En parallèle, Madame E constitue une SARL avec ses frères. Cette société procède au rachat du matériel de l’EARL.

A compter de 2010, plusieurs sociétés, dont la SARL, facturent des travaux agricoles à Madame E.

Constatant cette situation, les bailleurs saisissent les tribunaux afin d’obtenir la résiliation du bail pour cession prohibée du droit au bail.

Pour rappel, le bail rural est intuitu personae, il est donc par nature incessible. Le preneur à bail doit réaliser lui-même les travaux agricoles et avoir la maitrise de son exploitation. A défaut, il encourt la résiliation de son bail pour cession prohibée.

Au cas présent, la Cour d’appel après avoir :

  • constaté que la preneuse avait loué du matériel, procédé à l’achat de traitements et supportée la facturation de prestations de stockage,
  • relevé que Madame E avait produit une attestation du maire qui certifiait qu’elle assurait effectivement la conduite des travaux agricoles ainsi que le transport des céréales,
  • retenu que l’emploi d’aide-soignante de Madame E n’était pas de nature à la priver de sa qualité d’exploitation agricole,

a considéré que la preneuse, bien qu’ayant recours à des prestataires de services, avait exploité personnellement les terres et conservé la maîtrise des parcelles et a donc rejeté la demande de résiliation du bail faite par les propriétaires.

Au regard de ces éléments, la Cour suprême considère que la Cour d’appel en a souverainement déduit que Madame E, bien qu’ayant recours à des prestataires de services, n’a pas abandonné la jouissance des parcelles à des tiers. Par conséquent, elle rejette à son tour le pourvoi des bailleurs.

Cet arrêt, bien qu’il ne permette pas au preneur à bail de confier l’intégralité des travaux d’exploitations à une entreprise de travaux agricole, apporte néanmoins un peu de souplesse. En effet, sous réserve que le preneur à bail justifie qu’il exploite lui-même les biens mis à sa disposition et en conserve la maitrise complète, il peut déléguer quelques prestations à des tiers sans risquer la résiliation de son bail.

Cass. 3ème civ., 16 octobre 2025, n° 24-16.615