Contrôle des structures : qui doit déposer la demande d’autorisation d’exploiter ?
Amenée à se prononcer sur un litige relatif à une action en nullité d’un bail rural fondée sur l’article L. 311-6 du CRPM, la Cour de cassation est venue apporter une réponse claire à la question suivante : qui, lors de l’entrée au sein d’une société agricole d’un nouvel associé déjà exploitant par ailleurs, doit déposer la demande d’autorisation d’exploiter : le nouvel associé ou la société ?
En l’espèce, une propriétaire loue différentes parcelles au profit d’une SCEA. En 2018, M. H, déjà associé exploitant dans une autre structure, devient associé exploitant de cette SCEA, sans que la société n’augmente la surface qu’elle exploite.
La propriétaire saisit toutefois le Tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR) sur le fondement de l’article L. 331-6 du CRPM.
Pour rappel, en vertu de cet article, la validité d’un bail rural est subordonnée à l’obtention par le preneur d’une autorisation d’exploiter, si ce dernier est tenu d’en obtenir une en application de l’article L. 331-2 du CRPM. A défaut, le bailleur peut faire prononcer la nullité du bail par le TPBR.
Au-delà du débat portant sur la prescription d’une telle action en nullité, la Cour de cassation considère que la SCEA n’était pas tenue de présenter une demande d’autorisation d’exploiter en raison du rachat des parts sociales par ce nouvel associé, dès lors qu’elle-même ne voyait pas sa surface d’exploitation augmenter.
La Haute juridiction considère en revanche que l’entrée au capital d’une société agricole en qualité d’associé exploitant constitue un agrandissement personnel, dès lors que la surface qu’exploite déjà cet associé au sein d’une société agricole, ajoutée à celle qu’il exploitera au sein de la société dans laquelle il entre au capital, dépasse le seuil de surface fixé par le SDREA. Dans cette hypothèse, c’est à l’associé entrant qu’il appartient de solliciter personnellement une demande d’autorisation d’exploiter.
Pour arriver à cette réponse, la Cour rappelle la définition légale de l’agrandissement d’exploitation et les intérêts de la législation du contrôle des structures (CRPM, articles L. 331-1 alinéa 1er, L. 311-1-1, L. 331-2, L.331-6 et R. 331-1). Puis, elle met en avant un arrêt du Conseil d’Etat (CE, 30 novembre 2021, n° 439742) qui avait de son côté jugé que « le rachat, par une personne physique, de parts d’une société à objet agricole, si elle participe effectivement aux travaux en son sein, constitue un agrandissement de son exploitation, soumis à autorisation préalable si la surface totale qu’elle envisage de mettre en valeur, incluant les surfaces exploitées par cette société, excède le seuil fixé par le schéma directeur des structures ».
Par conséquent, la Cour de cassation considère qu’au regard des faits de cette espèce, la demande d’autorisation doit être présentée par le nouvel associé, qui procède ainsi à un agrandissement de son exploitation, et non par la société.
Cass. 3ème civ., 26 octobre 2023, n° 21-24.2315